La non-transitivité et les dés d’Efron – maths ludiques

Dés d'Efron

Parce que nous ne pouvons plus assister à des ateliers de mathématiques ces temps-ci, nous avons décidé de nous faire nos thématiques à explorer. Me souvenant d’avoir découvert les dés non transitifs au Palais de la Découverte, j’ai proposé aux enfants de voir de nouveau ensemble de quoi il s’agit. 

Prenons des dés ordinaires. Si l’on fait un jeu où l’on doit obtenir le plus grand nombre possible en lançant un dé, il s’agit d’un jeu de hasard. Chaque dé comporte 6 faces, numérotées de 1 à 6. La probabilité d’obtenir n’importe laquelle de ces valeurs est égale : je n’ai pas plus de chance d’avoir un 3 qu’un 1, et c’est valable quels que soient les chiffres. La probabilité est donc toujours de 1/6. (Cela n’empêche pas que si je joue seulement quelques parties, un chiffre ressorte plus qu’un autre. Mais, selon la loi des grands nombres, plus on fait de lancers et plus on s’approche de ce qu’indiquent les probabilités.)

Bradley Efron, un statisticien américain enseignant à l’université de Stanford, propose de faire le même jeu, mais avec des dés un peu plus originaux, à qui l’on donne son nom. Il y a alors 4 dés :

  • le dé vert a 6 faces identiques : toutes comportent un 3,
  • le dé jaune présente un 0 sur 2 faces et un 4 sur les 4 autres faces,
  • le dé bleu a un 1 sur la moitié de ses faces et un 5 sur l’autre,
  • le dé rouge montre un 2 sur 4 de ses faces et un 6 sur les 2 faces restantes.
Dés d'Efron

Si deux personnes se défient en lançant chacune un des dés d’Efron pour obtenir le plus grand nombre, qui va gagner le plus grand nombre de parties ? C’est moins évident au premier regard. Comparons :

  • le vert fait toujours le même résultat : 3. Pour gagner, il faut donc faire plus que 3. Trois dés peuvent faire plus que 3, mais le dé rouge ne donne un 6 que dans 2/6, soit 1/3 des cas (donc le vert gagne dans 2/3 des cas, quand le rouge affiche un 2) et le dé bleu comporte trois faces avec un 5, mais donc ne gagnera que dans la moitié des cas. En revanche, le dé jaune présente quatre faces avec un 4, il sera donc gagnant dans 4/6, soit 2/3 des cas (en moyenne bien sûr, il faudrait le lancer de nombreuses fois pour se rapprocher de la probabilité annoncée car rien n’empêche que, par hasard, le dé vert gagne sur le rouge dans une courte partie). Le dé jaune bat le dé vert.
  • on l’a vu ci-dessus : le dé vert fait toujours 3, mais le dé rouge ne fait plus que 3 avec son 6 que dans 1/3 des cas. Le dé vert bat le dé rouge.
  • le dé rouge présente deux fois le nombre maximal, à savoir 6. Il gagne donc contre n’importe quel autre dé sur ces tirages. Ses quatre autres faces indiquent un 2, qui ne peut donc gagner que face à un 0 ou un 1. Opposé au dé bleu, le rouge va donc remporter le tirage s’il sort un 6 (contre un 1 ou un 5) et s’il sort un 2 contre un 1. Il ne perdra que s’il sort un 2 contre un 6, or cela peut lui arriver quatre fois sur six, tandis que le dé bleu présente un 1 dans la moitié des cas – il peut perdre 12 fois sur 36, soit dans 1/6 des cas. Le dé rouge bat le dé bleu.
  • le dé bleu comporte trois faces avec un 5, par conséquent, dans la moitié des cas, ce 5 est plus élevé que le chiffre le plus élevé du dé jaune, le 4. Mais dans les trois autres cas, le dé bleu présente un 1, ce qui est supérieur aux deux 0 du dé jaune. Le dé bleu va donc gagner lorsqu’il présente un 5, mais aussi lorsqu’il présente un 1 et que le dé jaune présente un 0, soit dans 5/6 des cas. Le dé bleu bat le dé jaune.

Cela signifie que :

  1. aucun dé n’est plus fort que tous les autres. Le dé vert bat le dé rouge, qui bat le dé bleu, qui bat le dé jaune… qui bat le dé vert ! Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, on n’a pas un dé A battu par un dé B battu par un dé C, battu par un dé D, avec donc des valeurs toujours croissantes. C’est ce que l’on appelle les dés non-transitifs, qui n’obéissent pas aux probabilités des dés ordinaires ;
  2. si je laisse mon adversaire choisir son dé, je sais automatiquement – en admettant que je connaisse bien les dés d’Efron – quel dé choisir pour maximiser mes chances de gagner contre lui…
Dés d'Efron

Pour le vérifier, on peut :

  • fabriquer ou modifier des dés et faire des parties à 2 joueurs pour voir qui tire le plus grand nombre,
  • ou encore remplir des tableaux faisant ressortir tous les cas possibles.
Dés d'Efron

Quelques ressources sur ce thème

  • Dans cette vidéo de 2015, Mickaël Launay explique non seulement ce que sont les dés non-transitifs (avec une version légèrement différente), mais également où l’on retrouve des cas de non-transitivité dans la vie. Où comment découvrir le point commun entre les promos des magasins, les programmes électoraux et les lézards colorés !
  • Automaths explique que si l’on choisit de lancer 2 dés à la fois, les probabilités s’inversent !
  • James Grime, un mathématicien britannique, a inventé les dés de Grime sur le même principe, mais avec 5 dés… (vidéo en anglais)

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